Réseaux interstellaires

Une antenne de synchronisation de réseau sur l'Intrus, la lune extérieure d'Elora.

Il fut un temps où existait une merveille technologique dénommée Internet. Le lecteur moderne se souviendra simplement qu'il s'agissait d'un réseau informatique à l'échelle de la Terre, reliant plusieurs milliards d'individus via leurs ordinateurs entre les années 1970 et 2070. Internet représentait une infrastructure très complexe, et qui par bien des aspects n'a toujours pas d'égal à l'ère interstellaire (on notera que la Terre des années 2050 comptait plus d'habitants que l'intégralité de l'espace humain moderne). Il était si complexe, en réalité, que cinq cents ans plus tard, son ombre plane encore sur nos réseaux : beaucoup d'entre eux réutilisent des principes techniques énoncés à l'époque du world wide web, et certaines intelligences artificielles historiques, comme la méta-reine, proviennent des débris d'Internet. 

La principale caractéristique de nos réseaux interstellaires est leur fracturation en entités discrètes. En bons enfants du Bas-Âge, ils gardent la marque d'une ère caractérisée par la rareté de l'énergie et l'incertitude du moment présent. Un voyageur temporel venu de l'ère industrielle trouverait sans doute nos réseaux archaïques et impénétrables, et ce pour plusieurs raisons.

La première est que les réseaux interstellaires, par définition, sont asynchrones. Comme le translateur ne permet pas un transfert instantané de la donnée, les échanges d'informations entre les systèmes habités se font par le biais de vaisseaux-courriers. Les engins spécialisés dans la synchronisation des réseaux informatiques utilisent des coques dédiées -- des conversions de Saïmour et d'Inyanga -- et automatisées, qui sont chargées d'effectuer des rotations régulières entre les planètes colonisées. A l'approche d'un monde humain, ces messagers entrent en contact laser avec des stations-relais orbitales qui leur téléversent un instantané des réseaux planétaires au moment du passage. En retour, les messagers transmettent les instantanés des planètes voisines par le même biais. En moyenne, le délai de mise à jour des réseaux interstellaires est d'un mois entre l'espace commun et la Travée, tandis que les régions plus lointaines peuvent souffrir d'un décalage de plusieurs années. En ce sens, la toile interstellaire n'est pas sans rappeler la Terre pré-industrielle, où le courrier envoyé sur un autre continent n'était réceptionné qu'après un délai conséquent. Les sous-net planétaires fonctionnent ainsi de manière insulaire ; leur seul lien avec le monde extérieur passant par les stations-relais, il va sans dire que ces dernières représentent une infrastructure critique. Il n'est pas rare que ces satellites capables de téléverser plusieurs pétaoctets de données avec une seule salve laser soient ciblés par des tentatives de sabotage, dont certaines sont d'une rare inventivité -- par exemple en sabotant les lentilles des lasers de communication pour qu'elles expédient de fausses données.

Le deuxième motif d'étonnement pour notre voyageur temporel serait la prévalence des supports et contacts physiques. Bien que les interfaces mains libres reposant sur des lentilles ou des lunettes de réalité augmentée soit très courantes, nos sociétés restent très frileuses vis-à-vis de la transmission sans fil. Bien que cette crainte soit surtout un artefact culturel du Bas-Âge, elle n'est pas infondée sur les mondes à la politique chaotique comme Smyrnia-Silesia, dont les environnements informatiques sont peuplés de virus autonomes et de bombes logiques qui mettent à mal toute notion de confidentialité d'une donnée téléversée sur un réseau. Les conditions géomagnétiques difficiles de certaines planètes peuvent aussi expliquer cet amour de la connexion filaire : sur Elora, les tempêtes solaires peuvent mettre à terre les liaisons satellitaires pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. Tous ces facteurs font qu'il n'est pas rare de voire passer disques durs, clefs flash et autres cassettes à haute capacité dans les soubassements des réseaux interstellaires.

Illustration par Jaime Guerrero pour Eclipse Phase, distribuée par Posthuman Studios sous une licence Creative Commons Attribution Non-Commercial Share-alike 3.0 Unported License.

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