Le ciel profond










Le « ciel profond » désigne la partie de l'atmosphère qui, bien que souvent négligée par les spationautes, est partie intégrante des activités orbitales du fait de sa proximité avec l'espace. Sur la Terre, le ciel profond mesure 90 km d'épaisseur et s'étend de la stratosphère jusqu'à la ligne de Karman, la limite arbitraire de l'espace. Sur d'autres mondes, qui peuvent avoir des atmosphères très différentes, le ciel profond est défini de manière plus générale comme étant la fraction de l'enveloppe planétaire où la pression interdit la respiration sans assistance (quand applicable) mais où le vol aérodynamique reste possible. A l'image de l'orbite basse, le ciel profond échappe aux définitions habituelles des frontières communales et se trouve sous un régime légal semblable à celui des eaux internationales. 

Les habitants du ciel profond sont à la fois spationautes et « rampants ». De bien des manières, leur environnement est plus proche de l'espace que de la surface : l'air est irrespirable, la portance alaire est minime et l'exposition aux ultraviolets comme aux rayons cosmiques est constante. Toutefois, si un spationaute peut être amené à rester très longtemps dans l'espace sans revenir sur la terre ferme, un habitant du ciel profond partage sa vie entre les hauteurs et le plancher des arbres. Ainsi, les coopératives opérant dans cette couche atmosphérique ont développé une culture hybride, inspirée à la fois par les premiers pionniers de l'âge spatial et les fablabs planétaires.

Les premiers habitants du ciel profond sont les q-sats, ou quasi-satellites.

Un quasi-satellite est un véhicule destiné à être employé comme un satellite, mais sans jamais atteindre l'orbite. Les q-sats sont des ballons, dirigeables ou captifs, stationnés à la limite haute de la stratosphère et alimentés par des panneaux solaires. Stabilisés par des vents contraires, ils peuvent rester plusieurs mois, voire plusieurs années en station avant de nécessiter un retour à terre pour maintenance. Les q-sats sont ubiquitistes dans l'espace humain, au point qu'il est difficile d'en déterminer le nombre exactd'autant plus qu'ils sont à peine réglementés, sinon pour les besoins de la navigation aérienne. Comme ils permettent de se passer de lanceur comme de stations au sol (un camion avec une antenne et un treuil suffit à opérer un q-sat), les quasi-satellites sont prisés par les petites coopératives aux moyens limités.

Les q-sats sont principalement employés pour former des réseaux de communications ou mener des opérations de télédétection. Plus exposés qu'un satellite classique, ils sont beaucoup plus simples à remplacer ; par ailleurs, leur propension à rester en vol stationnaire au-dessus d'une zone précise (ce dont les satellites en orbite basse ne sont pas capables) permet de fournir un service ininterrompu aux communes isolées sans devoir investir dans une constellation entière. Sur les mondes à forte couverture nuageuse comme Okéan ou Vyiranga, les q-sats, en volant sous la couche atmosphérique principale, rendent également possible l'observation du sol (presque) par tous temps.

Ils possèdent des cousins ailés : les hauts-planeurs

Un haut-planeur est un aéronef sans moteur qui grimpe jusqu'à la haute atmosphère et utilise ensuite les jet streams pour rester en vol pendant plusieurs jours, entre trente et cinquante kilomètres au-dessus du sol. Très légers, les hauts-planeurs sont pilotés par des intelligences végétales. Bien qu'opérant aux mêmes altitudes que les q-sats, ils rendent des services bien différents. La plupart ont un rôle scientifique, où ils sont employés pour étudier les phénomènes météo-électromagnétiques de haute altitude (à l'instar des elfes et autres farfadets) ainsi qu'observer les tempêtes océaniques. Ils sont particulièrement bien adaptés aux planètes à l'atmosphère dense, comme Okéan, où la pression élevée de l'air décuple l'efficacité de leurs longues ailes.

Quand un haut-planeur est équipé d'un moteur à réaction, il devient un danseur de Karman.

Les danseurs de Karman sont des aéronefs hypersoniques nourris avec des carburants organiques et conçus pour occuper la niche technologique entre l'avion classique et la navette spatiale. Leur usage est militaire avant tout : les danseurs de Karman comptent parmi les rares avions capables de présenter une menace crédible pour un vaisseau spatial. Confrontés à une force orbitale, ils montent jusque dans la mésosphère, déploient leurs missiles et plongent en piqué pour trouver refuge dans l'épaisseur de la troposphère, à même de diffracter les quadrillages laser les plus puissants jusqu'à les rendre inoffensifs. 

En pratique, jamais un danseur de Karman n'a connu le feu (le seul tir atmosphère-espace connu a été réalisé sur Smyrnia par un chasseur classique), ce qui est peut-être heureux ; bien des stratèges considèrent les danseurs de Karman comme des cercueils volants. 

Leurs cousins civils ont connu beaucoup plus de succès : ce sont les trains à crochets.

Les crochets orbitaux sont des infrastructures orbitales permettant un accès facile à l'espace par le biais de vastes câbles capables d'accrocher une charge utile dans la stratosphère et de l'éjecter vers une trajectoire plus haute. La livraison de ces cargaisons s'effectue avec une noria de véhicule suborbitaux à bas coût, dont quelques-uns sont des engins pilotés, très semblables aux danseurs de Karman. Les résidents de leurs cockpits sont souvent des spationautes âgés, à la fin de leur carrière, qui ne souhaitent plus s'exposer aux radiations cosmiques et à l'apesanteur, mais veulent encore expérimenter le frisson cinétique de l'ascension vers le grand vide. 

Là-haut, iels peuvent croiser les plus insaisissables des habitants du ciel profond : les dirigeables surface-orbite.

Bien qu'elle puisse paraître à tout le moins bizarre, l'idée de transporter une charge utile depuis la surface vers l'orbite à l'aide d'un ballon est faisable, bien que peu pratique (notons que nous ne parlons pas ici d'un rockoon, mais bien d'un véhicule assurant l'intégralité de l'ascension.)

La mission d'un dirigeable sol-espace recouvre toute l'étendue du ciel profond. La charge utile est d'abord transférée sur un dirigeable stratosphérique, qui s'amarre à une station quasi-satellite située à une trentaine de kilomètres d'altitude ; là, elle est prise en charge par un dirigeable à vide, qui accélère à des vitesse supersoniques dans la mésosphère et la ionosphère. A la fin de son trajet, ce dirigeable, devenu un vaisseau spatial, s'amarre à une station orbitale. Il peut ensuite revenir lentement vers la surface.

Les qualités esthétiques des dirigeables surface-orbite sont indéniables, mais ne représentent pas l'intégralité de leur utilité. Leurs profils de descente et d'ascension étant extrêmement doux, ils permettent, en l'absence d'ascenseur spatial, de faire transiter des marchandises particulièrement fragiles.


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