Le Translateur

  1. « Il est désormais certain que le translateur, cette élégante machine, a été spécialement conçu pour que nous puissions facilement le répliquer et l'utiliser. Je n'hésite pas à le considérer comme un moteur supraluminique en accès libre. »

-- Citation attribuée à Rani Spengler, la découvreuse du translateur.


La représentation canonique d'un translateur : un cube cristallin en quatre dimensions.

Certains scientifiques prétendent que qualifier le translateur de moteur supraluminique est techniquement faux : par définition, il ne permet pas à un vaisseau de se déplacer plus vite que la lumière. Ce n'est pas entièrement inexact. Le translateur n'est pas un moteur. C'est une empreinte exercée sur le monde, un objet physique dont la seule présence permet d'effectuer une translation géométrique instantanée à travers l'espace en trois dimensions. Voilà le quoi du translateur. Le comment reste un mystère, même un siècle et demi après sa découverte. Le consensus scientifique veut que le translateur soit, d'une manière ou d'une autre, capable de plier l'espace tridimensionnel pour permettre une téléportation sans limite de portée. Le procédé exact permettant cette violation de la relativité est inconnu. Le translateur reste énigmatique car il n'est pas une invention mais une découverte.

Cette dernière fut effectuée par Rani Spengler, il y a cent cinquante-sept ans, dans l'épave d'une voile solaire retrouvée à la périphérie du système solaire. Bien qu'étant le produit d'une civilisation plus avancée que la nôtre, le translateur s'est avéré incroyablement simple à répliquer et à utiliser, bien que nous n'en connaissions pas les principes physiques : en ce sens, notre utilisation de cet objet s'apparente à une forme de culte du cargo.

La théorie dominante veut que le translateur ne soit pas d'origine extraterrestre mais bel et bien humaine. Il s'agirait alors d'un cadeau envoyé dans le passé par nos lointains descendants, qui eux-mêmes l'ont reçu de nous. Pris dans une boucle temporelle, le translateur n'a pas d'inventeur, il est un effet sans cause et existe ainsi en-dehors des règles usuelles régissant la réalité physique.
 

Cartes perforées contenant les données de translation d'un cargo interstellaire.

L'apparence physique d'un translateur met en évidence sa complète divergence par rapport au reste de la technologie moderne. Il se présente sous la forme d'un cube à quatre dimensions, ou hypercube, fait d'un composé cristallin récolté sur la nigelle stellaire, ou pseudonigella stellaris. Les translateurs sont stockés dans des conteneurs, installés au plus près du centre de masse du vaisseau hôte. Ils sont inertes et transparents, mais brillent légèrement en bleu (parfois rouge ou jaune, en fonction de la planète d'origine des fleurs) lors de leur mise sous tension. Le translateur ne contenant que très peu d'énergie, il représente la partie la moins volatile d'un vaisseau, et en cas de dégâts physiques tendent à se briser plutôt qu'exploser.

La téléportation permise par un translateur est désignée sous le nom générique de translation. On emploie parfois (y compris dans cet article) le terme de « saut », qui n'est pas correct. Les caractéristiques d'une translation sont connus sous le terme de dix observables, et se retrouvent quel que soit le cas d'usage ou le vaisseau. Ces observables se déclinent ainsi :

  1. Une translation est une vraie téléportation et non juste un déplacement très rapide. Ainsi, elle permet de passer « à travers » certains objets comme les planètes ou étoiles.
  2. Une translation ne peut être initiée ou se terminer dans la matière. Un translateur ne peut réintégrer un objet dans quoi que ce soit de plus dense que l'exosphère d'une planète et ne peut y commencer une translation. Il s'agit d'une limite inhérente au translateur lui-même, qui s'explique par une capacité -- tout à fait énigmatique -- de ce dernier à sonder le point d'arrivée et de départ. Ainsi, un translateur ne peut être employé pour lancer un vaisseau dans l'espace depuis une atmosphère, ni téléporter une arme dans une cible.
  3. Le coût d'une translation varie de manière exponentielle selon la distance. L'économie des translations est fondée sur la puissance de calcul que l'on peut fournir au translateur, laquelle augmente exponentiellement avec la distance. La portée maximale de translation des ordinateurs modernes se situe autour de cinquante années-lumière. Au-delà, il faut fractionner le voyage.
  4. Les translations sont relatives. Comme tous les objets dans la galaxie sont en permanence en mouvement, même un trajet en apparence identique donne lieu à un nouveau calcul de translation partant de zéro.
  5. La quantité de mouvement est conservée. Si un vaisseau veut atteindre proprement sa cible, et non lui passer devant à plusieurs dizaines de kilomètres par seconde, il doit calquer sa vélocité relative sur la sienne. Cela peut nécessiter des poussées à plusieurs centaines de km/s pour atteindre les étoiles très véloces du halo galactique.
  6. La quantité d'énergie est conservée. Cet observable s'applique principalement concernant l'énergie gravitationnelle potentielle, ce qui est expliqué plus en détail ici. Les translateurs ne peuvent pas être employés librement à l'intérieur de puits de gravité conséquents à cause de la nécessaire compensation de l'énergie perdue ou gagnée selon l'altitude. 
  7. Les translateurs sont mutuellement exclusifs. Toute translation est impossible dans un rayon de mille kilomètres autour d'un autre translateur en activité.
  8. Il est impossible d'enchaîner les translations pour créer une machine à mouvement perpétuel. L'utilisation de translations répétées à cette fin est sanctionnée par l'auto-destruction du translateur, qui cherche ainsi à préserver l'intégrité des lois physiques.
  9. Le voyage temporel est possible, avec des limites. Comme tout autre moteur supraluminique, le translateur permet de voyager dans le temps. Toutefois, le déplacement temporel est limité par des règles très complexes et mal connues. Il est impossible à un vaisseau de croiser son propre cône temporel, et ainsi il ne peut revenir dans le passé que de manière relative : il lui est impossible de revenir dans son propre passé et de se croiser lui-même.
  10. Le translateur a une volonté propre. Il n'est pas rare qu'il agisse de manière étrange, refusant de fonctionner ou annulant un saut de sa propre initiative, pour des raisons généralement obscures et circonstancielles.

Credit: Marcin Wichary, Flickr picture / Hypercube: Mouagip under CC-BY-NC-SA 3.0.

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