Caravelle-Courrier

Type : vaisseau de ligne à atterrissage horizontal.
Fabricant : Enclaves Iréniennes.
Statut légal des plans : sous licence.
Mode de propulsion : moteur à azote métastable (navette) + moteur nucléaire thermique (module détachable).
Capacité supraluminique : oui (avec le module détachable).
Longueur : 65 mètres (sans le module détachable).
Charge utile : 70 tonnes.
Équipage: 4 pilotes et 50 passagers.
Aussi connu sous le nom de Ce truc bizarre avec des ailes / L'effaceur de budgets.
La Caravelle-Courrier est un vaisseau qui a été conçu pour répondre à une question bien précise : et pourquoi pas ? Ainsi, il évite l'autre question qui fâche, c'est-à-dire mais pourquoi ?
Cette œuvre exotique des Enclaves Iréniennes tente de combiner deux concepts qui, par définition, ne peuvent pas réellement cohabiter sur la même machine : un lanceur orbital monoétage et une capacité de voyage supraluminique avec un translateur. Des rabat-joie au fond de la salle me répliqueront que certains vaisseaux militaires font déjà cela, et c'est vrai, mais tous sont à décollage vertical. Normal. Cela, c'est la solution facile et pratique, mais la Caravelle-Courrier n'est pas là pour être pratique, elle est là pour avoir la classe. Ce qui signifie décoller et atterrir horizontalement, comme un avion, un mode de fonctionnement dont les contraintes de masse ne sont pas compatibles avec la présence à bord d'un translateur.
En tentant de résoudre cet épineux problème -- une épreuve auto-imposée, je le rappelle -- les ingénieures des Pléiades sont tombées tout à fait par accident sur une idée plutôt maline. La Caravelle-Courrier est ainsi composée de deux vaisseaux collés l'un à l'autre. La section de passagers est un avion spatial indépendant qui peut prendre son essor depuis une piste normale, à l'aide d'une paire de moteurs à azote métastable, un carburant à très haute performance qui lui donne la puissance d'une fusée combinée à la légèreté d'un aéronef. La section de propulsion spatiale est une section de moteurs nucléaires, adjoints d'un translateur, qui reste en orbite pendant que le reste du bâtiment évolue dans l'atmosphère en-dessous. En amarrant les deux sections, on obtient un vaisseau complet qui peut se déplacer d'une étoile à l'autre.
Cette configuration est unique et vient donc avec des problèmes techniques tout aussi indédits. L'avion spatial doit être configuré à la fois pour le vol dans l'atmosphère (où l'axe de mouvement et le sol des cabines sont parallèles) et pour le vol spatial (où l'axe de poussée et le sol des cabines sont perpendiculaires), ce qui oblige à équiper les places première classe avec des fauteuils réversibles et des toilettes jumelées. Le procédé d'amarrage est d'une très grande complexité : les cinquante premiers vols d'essai ont ainsi révélé des erreurs informatiques dont l'humanité ignorait jusqu'ici la possibilité (j'invite le lecteur curieux à consulter le rapport d'incident sur l'implosion des bains-douches du prototype, causée par la mise à l'heure d'une montre par le pilote). Dix ans après la mise en service de la classe, il n'est pas rare de voir une Caravelle-Courrier coincée en orbite pendant plusieurs jours par un boulon défectueux.
Ajoutons à ces particularités le fait que la Caravelle-Courrier coûte une fortune -- son surnom d'«effaceur de budget» est parfaitement justifié. Aucune coopérative ou entreprise d'état n'achèterait une telle machine pour un usage quotidien. Comme les milliardaires sont une espèce en voie de disparition dans l'espace humain, il n'y a pas grand-monde pour s'en servir comme yacht non plus. Le seul marché pour la Caravelle-Courrier est celui qui a besoin d'une arrivée en fanfare sur un aéroport à bord d'une machine évoquant un Concorde capable de vol interstellaire -- c'est-à-dire une poignée d'ambassadeurs, diplomates et envoyés stellaires, qui n'ont que faire des mineurs désagréments attendant leurs techniciens et secrétaires en orbite.
Illustration pour Starmoth par Lilly Harper, qui écrit sa propre science-fiction sur le blog Beacons in the Dark.