Lettres Martiennes

Expédition Angaraka - Sol 32 - 2546
Nous parcourons la surface de Mars depuis trente jours.
Il règne une drôle d'atmosphère ici. Tout le monde agit comme si nous étions des pionniers, les premières personnes à marcher sur Mars, mais ce n'est évidemment pas vrai, du moins du point de vue de l'histoire. Je connais la date par cœur. Le 22 juin 2032. Le premier être humain sur Mars. Vingt-cinq ans, à peu de choses près, avant l'effondrement et le début du Bas-Âge. A l'époque, il leur avait fallu six mois pour atteindre la planète rouge. Trente-cinq jours pour nous, et une fois le translateur arrivé à maturité...probablement trente-cinq minutes. Peut-être moins. C'est amusant, d'une certaine manière. Nous ne sommes même pas à la pointe de la technologie de notre époque, juste les derniers vestiges de l'âge spatial.
L'équipe 6 est tombée sur les vestiges d'une station en ruines près de la vallée de Marineris. Elle semble dater de l'époque de l'effondrement, vers 2060 ou 2070. C'est une estimation assez sûre, dans le sens où rien n'a pu quitter la Terre pendant la majeure partie du Bas-Âge. Cette base était assez simple; une piste d'atterrissage, quelques bâtiments en surface et de vastes installations souterraines. Tout ce qui se trouve au-dessus du sol est irrécupérable. Les tempêtes et les radiations ont eu plus de trois siècles pour s'en donner à cœur joie. Les installations souterraines sont en meilleur état mais ce sont aussi des nécropoles. Tous les habitants sont morts trois à cinq ans après avoir perdu le contact avec la Terre. Il semblerait qu'ils aient essayé de mettre sur pied une agriculture locale, sans résultat.
Notre historienne, Avasara, a une théorie à propos de cette installation. Ce n'est pas un avant-poste scientifique mais un sanctuaire, un refuge utilisé par un groupe d'individus extrêmement fortunés pour fuir ce qu'ils voyaient comme la fin de la civilisation humaine sur Terre. Un mauvais choix, avec le recul. Avec l'intensification de l'effondrement, le contact avec la Terre fur finalement perdu et la colonie périt. Leurs plans de colonisation grandioses n'ont pas survécu plus de cinq ans sans la planète-mère.
Nous enterrerons les victimes et laisseront la station inoccupée, comme le sanctuaire qu'elle doit être - la première nécropole humaine sur Mars.
Illustration : DMitry, CC3.