Manuel de combat spatial

Bien que le combat spatial ne soit pas réaliste à grande échelle, une escarmouche peut toujours éclater entre deux vaisseaux dans une zone disputée par plusieurs communes. La plupart des aspects tactiques abordés dans ce court manuel n'ont été testés que lors d'exercices militaires, mais ils sont ce dont nous disposons de plus élaboré concernant une potentielle doctrine de combat espace-espace à l'âge du translateur.

Le visage de la bataille

Le combat espace-espace est généralement conduit par des vaisseaux supraluminiques équipés d'un translateur permettant des téléportations dans un volume en trois dimensions. Ces plateformes varient en taille et forme (des petites Lucioles aux vastes Citadelles) mais s'alignent toutes sur des principes communs. Equipées de moteurs à fusion nucléaire, elles ont pour arme principale des quadrillages lasers employés à la fois dans un usage défensif et offensif, ainsi que des missiles à téléportation, stockés soit à l'intérieur du vaisseau dans des baies coulissantes, soit sur des points d'emport externes. Equipés de translateurs miniatures, les missiles sont capables d'effectuer des sauts à courte portée pour rattraper leurs cibles. Les plus sophistiqués peuvent se translater plusieurs fois de suite, pourchassant ainsi l'adversaire sur des distances mesurées en secondes-lumière. A très courte portée, il est possible d'avoir recours à des missiles classiques et à des accélérateurs de débris. Les canons électromagnétiques (sans même parler des canons chimiques) sont très rares et relégués aux plateformes improvisées. Tous les vaisseaux de combat dignes de ce nom sont équipés d'un blindage anti-débris ; toutefois, la plupart des missiles modernes sont parfaitement capables d'en venir à bout en un seul coup, et la défense repose sur la manœuvre, l'interception au laser et le brouillage. 

L'économie du combat

On compare parfois
le combat spatial au combat aérien, ce qui est tout à fait faux : en effet, la principale ressource du combat aérien est le mouvement, qui dans l'espace est pour ainsi dire gratuit. En effet, les translateurs permettent de se déplacer librement sur des distances mesurées en centaines de milliers de kilomètres, et ne sont arrêtés que dans deux cas précis : quand le terminus d'un saut est une matière solide, gazeuse ou liquide (comme l'atmosphère d'une planète) ou en rencontrant la zone d'exclusion de mille kilomètres autour d'un autre translateur.

Au combat, lae capitaine devra jongler entre cinq ressources spécifiques et limitées :

  • Munitions : bien que les quadrillages laser puissent tirer tant que le vaisseau est alimenté en énergie électrique, les missiles espace-espace sont lourds, chers et rares. Tout tir doit être mûrement réfléchi.
  • Information : bien que l'espace se prête mal à la furtivité, il existe tout un monde entre la détection de l'ennemi et l'obtention d'une solution de tir précise. Un vaisseau reçoit une multitude de signaux (infrarouge, visuels, radar...) dont le traitement et la priorisation sont vitaux. On pense souvent au manque d'informations, moins au surplus, pourtant les deux sont tout autant dommageables.
  • Delta-v : les translations supraluminiques conservent vélocité relative et inertie. S'aligner avec un vaisseau allié ou ennemi requiert une poussé suffisante, ce qui handicape notamment les missiles, dont les réserves de masse de réaction sont faibles. 
  • Puissance de calcul : de la détermination des équations de translation à la conduite des missiles, en passant par la guerre électronique, toutes les actions de combat sollicitent les ordinateurs du bord, dont les capacités ne sont pas illimitées.
  • Dissipation thermique : l'usage des lasers et les poussées moteur génèrent de la chaleur, qui doit être dissipée dans les radiateurs du vaisseau. Plus un bâtiment est chaud, plus il est repérable.

On ne comptera pas l'endurance de l'équipage parmi les facteurs limitants, eu égard à la rapidité des engagements.

Être le premier à frapper

On ne le répétera jamais assez : le meilleur engagement est celui qui n'a pas lieu. Dans l'impossibilité de dérober, le deuxième meilleur engagement est celui qui dure juste le temps de lancer des missiles et de quitter les lieux. L'ouverture rapide du combat est l'alpha et l'oméga de la guerre spatiale, car tout commandant digne de ce nom voudra éviter une bataille prolongée, gage de dégâts inévitables et souvent fatals. 

L'engagement idéal repose sur une reconnaissance solide et une parfaite connaissance des lieux. Une fois la flotte ennemie détectée, les vaisseaux organisés en groupe d'attaque doivent accélérer pour s'aligner sur le vecteur de mouvement de la cible et ainsi faciliter le travail des missiles. Cette poussée génère forcément une importante signature thermique, visible à plusieurs minutes-lumière, il est donc recommandé de la conduire derrière un obstacle, comme une géante gazeuse, et hors de la vue des sondes adverses. Une fois la poussée terminée, le groupe d'attaque se translate à portée de missile de l'ennemi et ouvre le feu. Si l'assaut est bien conduit, l'ennemi n'aura conscience de la situation qu'au moment où ses systèmes d'alarme détecteront la réintégration des missiles à l'orée de l'enveloppe de ses propres translateurs. Il n'aura alors que quelques secondes pour détruire les projectiles en approche. Le groupe d'assaut, selon l'efficacité de la frappe, peut alors soit se retirer du théâtre d'opérations, soit engager les survivants. 

Même avec toutes les précautions du monde et une reconnaissance avancée, il est très difficile d'éviter une telle frappe dans un système contesté. La défense préemptive se focalise donc plus sur la réduction du risque que sur son élimination. Il est recommandé de garder les vaisseaux en défense aussi froids que possible, tout en noyant leurs environs de zones de brouillage électronique et de leurres infrarouge pour égarer la volée initiale. Une pratique salutaire est de garder en permanence un vecteur de translation évasive vers un point aléatoire dans l'environnement immédiat du vaisseau. Ainsi, en cas d'attaque, le bâtiment pourra dérober à la volée, sans avoir à gaspiller de précieuses secondes de calcul. 

Le Grand Cirque

Si l'assaut initial a échoué à détruire la flotte adverse et que les deux combattants refusent de dérober, l'attaque dégénère en une mêlée tactique sur plusieurs secondes-lumière. Si les deux formations sont de force égale, chacune va tenter de briser la cohésion adverse pour isoler les vaisseaux les plus vulnérables et les détruire un par un. En cas de supériorité évidente d'une des deux flottes, l'objectif pour la plus puissante est d'intercepter son adversaire avant qu'il ne parvienne à translater vers une planète ou une station alliée, à même de lui fournir un important volume de feu défensif. Dans la pratique, les mêlées tactiques sont des actions très confuses, et maintenir une formation cohérente, ou même des paires de vaisseaux, est considéré comme un rare exploit. Aux outils de la frappe initiale s'ajoutent d'autres éléments. Les drones de reconnaissance sont déployés en grappes sur toute la zone de combat, tandis que les quadrillages laser fonctionnent à plein rendement pour intercepter les volées subséquentes.

Jusqu'à trois niveaux de combat peuvent s'échelonner dans une mêlée. Les vaisseaux tentent de s'engager les uns les autres avec leurs lasers et leurs missiles, tandis que ces derniers essaient à la fois de détruire leur cible et d'intercepter les projectiles adverses. Enfin, les drones de reconnaissance mènent une petite guerre à part avec leurs homologues, à coups de brouillage et de lasers de faible puissance, ce qui ajoute au chaos général.

La plupart des mêlées se terminent par une retraite mutuelle vers un espace moins contesté : elles n'en restent pas moins mortelles, particulièrement quand l'attaquant s'obstine après un assaut initial raté.

Combat rapproché


Il arrive parfois qu'une mêlée mène à de brefs épisodes de combat à très courte portée, quand deux bâtiments intercalent leurs bulles d'exclusion de saut pour échanger des tirs à moins de mille kilomètres. Les missiles sont employés sans leurs translateurs, et les quadrillages laser sont à leur maximum de létalité, tandis qu'il devient très compliqué de rompre le combat. Il s'agit du seul type d'engagement où les canons électromagnétiques et roquettes non guidées peuvent avoir une utilité tactique, tout comme les sillages des moteurs, qui sont employés à la manière de chalumeaux cosmiques. Un tel duel n'apparaît généralement que par erreur ou consentement mutuel, car il est très difficile de forcer un adversaire à un échange de tirs aussi dangereux, à moins qu'il n'existe entre les deux protagonistes un important différentiel de delta-v.

Le combat rapproché dure moins d'une dizaine de secondes et se termine généralement par la mise hors de combat des deux adversaires : il est rigoureusement déconseillé de s'y risquer.

Vaisseau illustré par Lilly Harper pour Starmoth. Elle tient le blog Beacons in the Dark


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