Les Vriijs

Cet article a pour objet l'histoire de la culture vriij. Pour un aperçu sociologique des Vriijs vivant aux côtés des humains, voir : Vriijs Ascendants.
Le premier contact avec les Vriijs fut effectué sur Okéan. Ils représentent la première espèce non-éteinte découverte par l'humanité. Les Vriijs sont une forme de vie à base de carbone, qui partagent de nombreuses similarités avec les seiches et les calmars terriens. Les adultes mesurent jusqu'à cinq mètres de long et possèdent de six à huit tentacules ; bien que principalement adaptés à la vie aquatique, les Vriijs peuvent survivre à la surface tant que leur peau est gardée propre et humide. Dotés de conscience et capables d'une pensée abstraite complexe, ils communiquent par infrasons et présentent une force physique peu commune pour des créatures aquatiques. Un Vriij peut vivre jusqu'à deux siècles. Ils se reproduisent de manière sexuée et alternent entre les sexes biologiques au cours de leur vie. La communication avec les Humains est non seulement possible mais recherchée. La société vriij apparaît comme parfaitement capable de complexité sociale, mais en-dehors des rituels de reproduction et des chasses communes, les individus tendent à vivre isolés. Les Vriijs ne gardent aucune trace de leur passé et semblent peu enclins à innover ou à produire des oeuvres d'art, à l'exception de longues sagas orales.
Un détail très important : les Vriijs nous mentent. Ils prétendent tous appartenir à une société primitive vivant depuis toujours dans les profondeurs de leur monde océanique, mais tout porte à croire qu'ils sont en réalité les rescapés d'une civilisation avancée. Ils savent ce qu'est un vaisseau spatial. Ils comprennent comment fonctionnent nos drones. Ils sont capables d'utiliser nos interfaces informatiques. Ils disposaient autrefois d'une société technologique semblable à la nôtre ; ils étaient l'espèce dominante de l'amas globulaire d'Okéan.
Et ils ont échoué. L'amas d'Okéan est mort, ravagé, ses milliers de civilisations balayées par une succession d'évènement apocalyptiques dont nous avons encore du mal à percevoir l'ampleur. Les Vriijs sont les seuls survivants du désastre. L'analyse des rares fossiles vriijs laissés en-dehors d'Okéan a révélé les traces de modifications génétiques à grande échelle, affectant la capacité mémorielle à long terme suite à un évènement traumatique : en d'autres termes, il est raisonnable de penser que les Vriijs ont volontairement effacé leur souvenir collectif des civilisations qu'ils ont soit détruit, soit laissé perdre, avant d'abandonner leur technologie et de se réfugier sur Okéan.
Il est probable que les racines de cet évènement se trouvent dans l'invasion de l'amas menée par la Séquence il y a plus de cent mille ans, dont la guerre résultante a ravagé les étoiles voisines pendant au moins deux millénaires. La Séquence, toutefois, a fini par être repoussée par les Vriijs ; ce serait donc leur défense de l'amas, et non les actions de l'attaquant, qui se trouveraient à l'origine d'une tragédie ayant emporté des milliards d'âmes pensantes dans l'oubli. Quelques ruines font référence à une mégastructure nommée sobrement « l'Oeil » que les Vriijs auraient employé ou mis à feu à la fin du conflit, mais nous sommes incapables d'en déterminer la nature. La technologie vriij est totalement inutilisable ; toutes les banques de données sont vides et les vaisseaux ont été polis à l'échelle moléculaire, rendant toute analyse impossible. Dans cette destruction systématique, les chercheurs ont souvent noté les traces d'une rage froide et brutale, dirigée non pas envers la Séquence, mais envers les Vriijs eux-mêmes.
Ils savent ce qu'ils ont fait.
Note opérationnelle 11 : analyse du fossile n°78 a montré que la durée de vie maximale d'un Vriij est bien plus importante que ce que nous avons pu supposer lors des premières investigations biologiques. L'individu auquel correspond le fossile n°78, qui avait accès à des formes dégradées de technologie vriij, a vécu pendant plus de douze mille ans. Il est tout à fait possible que des individus encore plus âgés soient encore en vie. S'ils existent, ils représentent notre meilleure chance d'obtenir un témoignage direct de l'âge d'or de leur civilisation. Je suggère ainsi que nous commencions immédiatement un programme de recherche de ces « fossiles vivants ».
Note opérationelle 12 : effacez-moi ça.