La Séquence

La civilisation extraterrestre de la Séquence fut rencontrée pour la première fois il y a un siècle par la Phalène dans la Mer Sereine.
Pendant très longtemps, la Séquence ne fut connue qu'à travers ses vaisseaux, et ceux-ci sont remarquables par leur sophistication. Leurs moteurs sont si performants qu'ils semblent ne pas obéir aux lois de la thermodynamique, ils sont capables d'atténuer l'inertie, peuvent absorber leur chaleur jusqu'à se rendre quasiment invisibles aux infrarouges, et leurs armes sont sans aucun égal dans la galaxie connue. Leurs lignes mêmes sont difficiles à définir : leurs formes se fondent dans le vide et évoquent de singulières créatures marines. La Séquence, toutefois, n'est pas capable de voyager plus vite que la lumière.
Le siècle de contact avec la Séquence a été un siècle de conflit ; une guerre dérisoire et de faible intensité, menée le long des étoiles fatiguées de la Mer Sereine par les vaisseaux d'Algorab, une guerre qui en toute bonne logique ne devrait pas avoir lieu, et ce pour une raison très simple : la Séquence a cessé d'exister en tant que civilisation constituée depuis au moins vingt mille ans.
Suite au premier contact, les explorateurs de la Phalène ont naturellement tenté de localiser les mondes-mères de la Séquence, ne serait-ce que pour trouver un interlocuteur, mais leur recherche n'a strictement rien donné, sinon des anneaux-mondes ruinés, des planètes désertes et des stations en espace profond, suspendues dans le ciel comme autant d'aiguilles glacées. Les vaisseaux de la Séquence eux-mêmes sont à peine plus que des épaves dotées de mouvement. Et pourtant, l'empire de la Séquence fut autrefois colossal, s'étendant sur plus d'un tiers de la Voie Lactée, établi par déplacement subluminique entre les étoiles au fil de plusieurs millions d'années en assimilant des myriades d'espèces distinctes, qui ont disparu de concert. A l'apogée de sa puissance, la Séquence pouvait altérer les étoiles elles-mêmes, jusqu'à en faire des oeuvres d'art interstellaires.
En se dissolvant dans le temps, la Séquence n'a laissé que des vestiges, mais le fait que ces derniers soient toujours capables de présenter une menace pour les explorateurs ne peut qu'amener à une grande humilité de notre part. Une chose est certaine : les dernières étincelles de vie de la Séquence sont gaspillées dans cette étrange guerre qu'elle mène à l'humanité dans la Mer Sereine. Chaque années, les vaisseaux de la Séquence apparaissent de plus en plus endommagés et de plus en plus faibles, les anneaux-mondes eux-mêmes tombent en morceaux et les manufactures stellaires ne produisent plus que de la poussière. Notre capacité à voyager plus vite que la lumière nous donne un avantage stratégique tellement absolu que la Séquence peut à peine répondre à nos mouvements ; sa défaite n'est qu'une question de temps.
Mais alors, pourquoi ? L'hypothèse initiale développée par Algorab voulait que la Séquence n'était qu'une armée de drones dénués de volonté, protégeant encore les étoiles dévastées de leur ancienne civilisation, mais les Séquenceurs adultes restent en parfaite possession de leur intellect, et agissent de manière raisonnée.
Il y a vingt ans, une expédition linguistique en espace profond est parvenue à échanger quelques mots avec un Séquenceur mourant, et a découvert la manière dont la Séquence nous qualifie : l'humanité est « une marée sombre qui engloutira les étoiles. »
Aux yeux de la Séquence, nous sommes des créatures impossibles à concevoir, dont les vaisseaux parcourent en une minute la distance ses propres engins mettent mille ans à couvrir, des humanoïdes étranges dont la technologie peut courber jusqu'à la structure même de l'espace et du temps.
Nous sommes des monstres, et la Séquence nous combat en tant que tels.