L'Expédition Laniakea

Le Temple Étoilé, sur la Station Zéro, tel que décrit par Élodie Sauveterre. Il s'agit du point d'origine du signal de détresse relevé par la navigatrice.
L'expédition Laniakea est l'une des plus célèbres jamais menée par la Phalène. Ce voyage courant sur plus de dix mille années-lumière a permis de prouver que les expéditions solitaires à longue portée étaient viables, a mis au jour des vestiges titanesques de la Séquence et a permis d'entrer en contact avec une civilisation humaine inconnue.
Trois avant le départ de l'expédition, Algorab avait lancé une flotte d'exploration secrète vers les bordures de la Voie Lactée, la « Flotte Zéro », avec pour but explicite de trouver le monde d'origine de la Séquence. La Flotte Zéro mit plus d'une décennie à atteindre sa destination, ou plutôt aurait dû, puisque tout contact avec les vaisseaux fut perdu alors qu'ils traversaient le vide entre les bras galactiques. La dernière sonde-messagère de la flotte fut un message de détresse, brouillé et confus. Bien que l'expédition d'Algorab soit secrète, la Phalène en avait eu vent. Elle répondit immédiatement au signal de détresse et affréta l'explorateur de classe Inyanga nommé Laniakea pour porter assistance à la Flotte Zéro. C'était il y a vingt-deux ans. À cette époque, le Laniakea était sans aucun doute le vaisseau le plus capable jamais armé par la Phalène. Mené par une navigatrice expérimentée, Élodie Sauveterre, il pouvait opérer pendant des années sans ravitaillement et son translateur expérimental lui permettait de traverser les étendues de la Voie Lactée avec une célérité incomparable. Le voyage, toutefois, fut éreintant, même pour cette machine hors du commun.
Une fois au-delà de Mundis, le Laniakea se retrouva en territoire complètement inconnu et dut se reposer sur ses propres télescopes pour caler ses translations à très longue portée, stoppant régulièrement pour effectuer des réparations sur ses systèmes soumis à un stress physique intense. Son seul canal de communication avec le reste de l'espace humain résidait dans son stock sans cesse diminuant de sondes-messagères. Malgré tout, le Laniakea continua, semant dans son sillage des balises pour témoigner de son épopée aux générations futures. Au cœur du bras du Cygne, le Laniakea commença à rencontrer des anomalies spatiales, sous la forme d'immenses mégastructures construites par la Séquence, qui interféraient avec ses translations, les bloquant ou envoyant le vaisseau dans des directions imprévues. Sauveterre et son équipage durent improviser de nouvelles techniques de navigation pour contourner ces obstacles, ce qui réduit à néant tout avantage de vitesse que le Laniakea aurait pu avoir sur la Flotte Zéro. Au milieu de son trajet, le Laniakea fit halte quelques mois autour d'une planète habitable, où une partie de l'équipage installa un petit avant-poste, qui aujourd'hui est connu sous le nom de Repos de Sauveterre.
Sept ans et une moitié de galaxie après son départ, le Laniakea n'avait toujours pas trouvé trace de la Flotte Zéro, sinon des balises obsolètes. Alors que la bordure galactique approchait, le Laniakea se retrouva piégé dans un vaste réseau d'anneaux stellaires artificiels empêchant toute translation et prit la seule voie qui s'offrait à lui en « grimpant » vers le toit de la Voie Lactée pour contourner l'obstacle. Trois mille années-lumière au-dessus du plan galactique, le Laniakea trouva finalement un passage qui lui permit de continuer vers la destination de la Flotte Zéro. Durant la descente, l'équipage perçut d'étranges signaux radio, d'origine manifestement humaine, provenant d'un système à la limite avec l'espace intergalactique : la dernière transmission de la Flotte Zéro, émise mille ans avant son départ.
Quand le Laniakea atteignit finalement le système d'origine du signal, ce fut pour trouver un monde-anneau de la Séquence, orbitant autour d'une naine jaune. La structure habitable était occupée par une petite civilisation humaine indigène, au niveau technologique comparable à celui de la fin du XXe siècle ; au barycentre de l'orbite se trouvaient les coques des vaisseaux de la Flotte Zéro, transformées en dentelle par mille ans d'impacts de micrométéorites. Élodie Sauveterre comprit alors que la dernière translation de la Flotte Zéro l'avait bien amenée à sa destination… tout en la décalant de dix siècles dans le passé, un phénomène connu, mais jusque-là jamais observé en dehors d'un laboratoire.
Confronté à cette situation unique dans l'histoire, Sauveterre décida d'éviter toute interférence avec la civilisation locale, marqua la position du système et employa la route défrichée par la Flotte Zéro pour rentrer à Mundis ; de nos jours, cette route est connue sous le nom de Chemin Laniakea. Lors de l'inscription du système sur les cartes stellaires, Sauveterre décida de le nommer Station Zéro, en hommage aux pionniers d'Algorab. Deux ans plus tard, elle revint sur place à la tête d'une large flotte d'exploration, qui balisa la route et construisit deux avant-postes permanents, l'un au Repos de Sauveterre et l'autre en orbite de la Station Zéro. Les implications scientifiques du sort de la Flotte Zéro restent un sujet d'étude très actif, et Sauveterre une légende parmi les spationautes.