Les habits du spationaute
L'habit d'un spationaute fait partie intégrante de son identité professionnelle et culturelle, qu'iel soit un membre d'équipage temporaire ou un vétéran de l'outre-terrestre. Bien que les spationautes ne forment pas un groupe ethnique ou culturel cohérent, et ainsi ne possèdent pas d'habits traditionnels, il est possible de dégager une typologie générale de la mode d'outre-atmosphère.
Les tenues décontractées des spationautes sont inspirées par les tendances esthétiques du domaine aérospatial : on trouvera notamment des déclinaisons à l'infini de la veste de pilote de l'âge industriel, modifiée et réinterprétée jusqu'à la rendre méconnaissable pour quiconque n'est pas familier de l'histoire de l'aviation. En effet -- et contrairement à ce que certains auteurs de science-fiction ont pu prédire -- les vaisseaux spatiaux opèrent plus sur le modèle de l'avion que du bâtiment naval, et à ce titre les spationautes se considèrent comme des aviateurs. Leurs tenues de tous les jours reflètent ainsi parfaitement l'adage voulant que l'espace ne soit que la « nouvelle profondeur du ciel. »

A bord d'un bâtiment ou d'une station spatiale, on portera volontiers la combinaison de vol, qui est devenue l'élément de mode le plus souvent associé aux spationautes. Dérivée des combinaison de travail une pièce, très courantes durant le Bas-Âge, car aisée à produire et à réparer, les combinaisons de vol sont portées soit telles quelles, par-dessus les sous-vêtements, soit comme première couche d'une tenue plus complexe. La combinaison de vol est un élément essentiel de la sécurité au travail : elle garantit une protection contre les coupures, une régulation thermique de base, une compensation automatique lors des manœuvres à g élevés (une série de poches gonflables disposées le long des jambes permet d'éviter que le sang ne quitte la tête) et, avec des gants et un masque à oxygène, une isolation atmosphérique. Il est commun de retrousser voire couper les manches à bord des vaisseaux opérant à haute température ambiante, comme les Lucioles. L'héraldique du vaisseau est imprimée sur le torse. Le spationaute moyen possède une douzaine de combinaisons de vol.

Pour l'exposition au vide spatial, le spationaute préférera l'emploi d'une combinaison spatiale dite « sur-peau », c'est-à-dire capable de maintenir la pression intérieure du corps humain sans injection de gaz, ce qui limite grandement l'encombrement du dispositif. Légères et très flexibles, ces combinaisons sont employées lors des opérations extra-véhiculaires, voire portée à l'intérieur du vaisseau lorsque les circonstances l'exigent. L'intégrité de la combinaison ainsi que sa surpression par rapport au vide spatial sont assurées par l'emploi de tissu élastiques et moulants, qui empêchent par leur action mécanique la décompression du corps. On l'enfile à la manière d'un vêtement qui n'est pas sans rappeler une tenue de plongée.
Habits illustrés par Garnouille.
Vivre dans l'espace

L'espace -- la frontière de l'infini ! Pour un petit pourcentage d'êtres humains, en tout cas. Parmi les huit milliards d'habitants de l'espace humain, cinq résident sur Terre et l'écrasante majorité des outre-terriens habitent sur des mondes telluriques (Elora en tête) dotés d'une gravité confortable, d'une atmosphère épaisse et d'une hydrologie active. Moins de 5% de l'humanité a adopté un style de vie spatial et réside à demeure sur des stations orbitale, à bord de vaisseaux au long cours, ou dans des astéroïdes évidés.
Reste que ces 400 millions de spationautes représentent une démographie non négligeable, surtout quand on considère que certains vivent hors-monde depuis près de deux siècles : le plus ancien établissement outre-atmosphère est la cité lunaire du cratère de Shackleton, qui va bientôt célébrer son 175e anniversaire. Comment les spationautes se sont-ils adaptés à leur environnement ? Telle est la question à laquelle le journaliste Peter Vangelis souhaitait répondre dans son dernier livre de vulgarisation scientifique, Hors-Monde, en prenant une navette pour la vénérable station Nana Buluku en orbite terrestre basse.
En lieu et place d'une réponse simple, Vangelis a découvert une vérité un peu embarrassante : les spationautes ne se sont jamais réellement adaptés à leur milieu cosmique. La liste détaillées des effets délétères qu'ont l'apesanteur (ou la gravité basse) et les radiations prend un bon tiers de l'ouvrage. L'apesanteur affecte l'entièreté du corps humain, du plus évident documenté depuis des siècles (perte de masse musculaire et osseuse, gonflement du visage par afflux de fluides...) au plus obscur (maladies de l’œil dues au manque de pression dans la cornée) voire au franchement étrange (ni les neurones ni le microbiote intestinal n'apprécie l'absence de pesanteur). Les radiations cosmiques ont, elles aussi, des effets en cascade qui ne s'arrêtent pas à une occurrence un peu plus élevée de tumeurs. Même la médecine traumatique est affectée ; ainsi, comme le sang ne coule plus naturellement hors des plaies, il faut le pomper, et les anesthésiants marchent mal, voire pas du tout.
L'espace est profondément hostile ; et donc, qu'avons-nous fait pour régler le problème ?
A l'exception de l'augmentation génétique (la création de sous-espèces humaines restant éthiquement impensable), toutes les méthodes de la médecine moderne ont été mobilisées pour améliorer la santé des spationautes. Avec une cohorte de patients s'étendant sur deux siècles, il a été possible de parer à certains des effets les plus délétères, ce qui se voit dans les statistiques. L'espérance de vie en bonne santé des spationautes est juste en-dessous de la moyenne (118 ans contre 121 pour les cohortes terriennes), mais sans déviation exceptionnelle et, même s'iels ont parfois des couleurs de peau exotiques, iels ressemblent à n'importe quel être humain. Les traitements des monades sont tout à fait capable de juguler les cancers les plus agressifs ; nous pouvons remplacer les yeux ; nous pouvons contrôler le microbiote intestinal ; nous pouvons placer les femmes enceintes dans des centrifugeuses pour assurer des naissances sans complications ; les drones médicaux savent traiter les blessures en apesanteur. La science nous permet, dans les grandes largeurs, d'alléger le poids de l'espace sur le corps humain.
Ou peut-être pas, en fin de compte. Car la conclusion de Vangelis est surprenante : le facteur qui permet véritablement aux spationautes de maintenir leur santé est le simple fait...qu'iels passent beaucoup de temps à la surface de planètes semblables à la Terre ! Le spationaute moyen passe trois mois par an soit sur le plancher des vaches, soit dans une station capable de gravité centrifuge. Si l'on considère uniquement les spationautes qui n'effectuent pas ces voyages réguliers, le portrait sanitaire devient subitement beaucoup plus sombre, parce que la médecine n'est pas toute-puissante, elle ne peut pas réparer plusieurs organes vitaux à la fois, elle ne peut pas pas ressusciter des neurones ou, dans le cas d'une IA végétale, la faire sans cesse repousser.
Ainsi conclut Vangelis : les spationautes ne vivent pas réellement dans l'espace, mais à côté de lui, car s'il contient les merveilles du cosmos, cela ne l'empêche pas de vouloir tous nous tuer.
Personnage dessiné pour Starmoth par Garnouille.
Piraterie spatiale

La piraterie spatiale existe dans des limbes conceptuelles : s'il existe un consensus sur le fait qu'on peut bien qualifier certains actes illégaux menés dans l'espace humain de piraterie, il est très difficile d'en donner une définition légale précise. Les codes communaux tendent à définir des notions de délits comme l'appropriation illégale d'une marchandise ou le détournement de vaisseaux, mais ne proposent jamais de définition exacte de la piraterie.
Une chose est certaine : le terrible pirate de l'espace, caché dans son repaire orbital et attendant qu'un vaisseau marchand passe pour l'aborder n'existe que dans les romans de gare. La nature même du translateur rend toute interception particulièrement ardue, et l'apport économique d'une telle forme de piraterie est douteux, surtout quand on le ramène aux risques potentiels (au premiers rangs desquels une intervention militaire d'une superpuissance agacée). Cela n'empêche pas de nombreuses entités politiques ou économiques de se mêler d'affaires illégales dans l'espace que l'on peut, de façon générale, regrouper dans une acceptation générale de piraterie.
Une définition claire de la piraterie spatiale pourrait éventuellement voir le jour en considérant les trois éléments principaux qui sont requis (mais néanmoins non suffisants) pour qu'émerge une telle activité :
- L'existence d'un système stellaire peu ou pas policé, mais doté d'une économie spatiale qui justifie le transport de marchandises à haute valeur ajoutée sur des routes intra et interstellaires.
- L'existence de groupes organisés, voire d'entités politiques possédant à la fois la volonté et les moyens de chercher soit leur subsistance, soit leur suprématie locale par le biais d'attaques sur ledit commerce.
- Une perception largement partagée des groupes en question comme ne possédant pas le droit à l'exercice d'une violence légitime.
On remarquera qu'une telle définition est récursive. Un pirate est d'abord et avant tout défini par le fait que le reste de l'espace humain le considère ainsi. La perception apparaît alors comme l'élément essentiel de la piraterie. Dans les régions instables comme Smyrnia-Silesia ou Tyra, il existe un continuum évident entre les organisations illégales et les proto-états ; beaucoup de pirates smyrniens autoproclamés, comme les fameux Recyleurs de Solovyova, ont peu à peu transformé leur système de racket en véritable réseau de commerce protégé par des flottilles organisées et dotées de moyens techniques conséquent. Les zones touchées par ces entreprises étant également des théâtres de guerre à basse intensité, d'aucuns n'hésitent pas à dire que la piraterie, en réalité, n'existe pas et que nous n'avons affaire qu'à des opérations militaires de petite ampleur. Ce n'est pas dénué de sens : dans l'espace proche d'un monde en guerre, aucun vaisseau-cargo ne peut prétendre à une quelconque neutralité qui en ferait une cible non légitime.
Illustration par Mark Molnar pour Eclipse Phase, distribuée par Posthuman Studios sous une licence Creative Commons Attribution Non-Commercial Share-alike 3.0 Unported License.
Réseaux interstellaires

Une antenne de synchronisation de réseau sur l'Intrus, la lune extérieure d'Elora.
Il fut un temps où existait une merveille technologique dénommée Internet. Le lecteur moderne se souviendra simplement qu'il s'agissait d'un réseau informatique à l'échelle de la Terre, reliant plusieurs milliards d'individus via leurs ordinateurs entre les années 1970 et 2070. Internet représentait une infrastructure très complexe, et qui par bien des aspects n'a toujours pas d'égal à l'ère interstellaire (on notera que la Terre des années 2050 comptait plus d'habitants que l'intégralité de l'espace humain moderne). Il était si complexe, en réalité, que cinq cents ans plus tard, son ombre plane encore sur nos réseaux : beaucoup d'entre eux réutilisent des principes techniques énoncés à l'époque du world wide web, et certaines intelligences artificielles historiques, comme la méta-reine, proviennent des débris d'Internet.
La principale caractéristique de nos réseaux interstellaires est leur fracturation en entités discrètes. En bons enfants du Bas-Âge, ils gardent la marque d'une ère caractérisée par la rareté de l'énergie et l'incertitude du moment présent. Un voyageur temporel venu de l'ère industrielle trouverait sans doute nos réseaux archaïques et impénétrables, et ce pour plusieurs raisons.
La première est que les réseaux interstellaires, par définition, sont asynchrones. Comme le translateur ne permet pas un transfert instantané de la donnée, les échanges d'informations entre les systèmes habités se font par le biais de vaisseaux-courriers. Les engins spécialisés dans la synchronisation des réseaux informatiques utilisent des coques dédiées -- des conversions de Saïmour et d'Inyanga -- et automatisées, qui sont chargées d'effectuer des rotations régulières entre les planètes colonisées. A l'approche d'un monde humain, ces messagers entrent en contact laser avec des stations-relais orbitales qui leur téléversent un instantané des réseaux planétaires au moment du passage. En retour, les messagers transmettent les instantanés des planètes voisines par le même biais. En moyenne, le délai de mise à jour des réseaux interstellaires est d'un mois entre l'espace commun et la Travée, tandis que les régions plus lointaines peuvent souffrir d'un décalage de plusieurs années. En ce sens, la toile interstellaire n'est pas sans rappeler la Terre pré-industrielle, où le courrier envoyé sur un autre continent n'était réceptionné qu'après un délai conséquent. Les sous-net planétaires fonctionnent ainsi de manière insulaire ; leur seul lien avec le monde extérieur passant par les stations-relais, il va sans dire que ces dernières représentent une infrastructure critique. Il n'est pas rare que ces satellites capables de téléverser plusieurs pétaoctets de données avec une seule salve laser soient ciblés par des tentatives de sabotage, dont certaines sont d'une rare inventivité -- par exemple en sabotant les lentilles des lasers de communication pour qu'elles expédient de fausses données.
Le deuxième motif d'étonnement pour notre voyageur temporel serait la prévalence des supports et contacts physiques. Bien que les interfaces mains libres reposant sur des lentilles ou des lunettes de réalité augmentée soit très courantes, nos sociétés restent très frileuses vis-à-vis de la transmission sans fil. Bien que cette crainte soit surtout un artefact culturel du Bas-Âge, elle n'est pas infondée sur les mondes à la politique chaotique comme Smyrnia-Silesia, dont les environnements informatiques sont peuplés de virus autonomes et de bombes logiques qui mettent à mal toute notion de confidentialité d'une donnée téléversée sur un réseau. Les conditions géomagnétiques difficiles de certaines planètes peuvent aussi expliquer cet amour de la connexion filaire : sur Elora, les tempêtes solaires peuvent mettre à terre les liaisons satellitaires pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours. Tous ces facteurs font qu'il n'est pas rare de voire passer disques durs, clefs flash et autres cassettes à haute capacité dans les soubassements des réseaux interstellaires.
Illustration par Jaime Guerrero pour Eclipse Phase, distribuée par Posthuman Studios sous une licence Creative Commons Attribution Non-Commercial Share-alike 3.0 Unported License.
Compensation Energétique

Cet article a été tiré des travaux de vulgarisation de la navigatrice Tali Talasea.
Il est courant de dire que les translateurs ne peuvent être employés à l'intérieur d'un puits de gravité planétaire, mais la raison de cette impossibilité est rarement explorée ; elle n'est pourtant pas bien compliquée à saisir.
Avant toute chose, il faut comprendre qu'il n'est pas rigoureusement impensable d'employer un translateur dans un puits de gravité. Tant que les points d'intégration et de réintégration sont situés en-dehors d'une atmosphère, le saut peut être effectué. Toutefois, un translateur moderne refusera d'appliquer un tel ordre et manifestera sa désobéissance par un code d'erreur 001 (mauvais paramétrage de translation) ou un plus détaillé 0011 (échec de translation dû à une compensation énergétique en-dehors des paramètres de sécurité).
Qu'est-ce que tout cela veut bien dire ?
Le translateur a beau être un objet paracausal, il applique la règle physique de la conservation de l'énergie. Quand un vaisseau « monte » ou « descend » dans un puits de gravité, son énergie potentielle de pesanteur est modifiée. En prenant de l'altitude, elle augmente, tandis qu'en perdant de l'altitude, elle diminue. Si cette modification a lieu à la suite d'une téléportation-translation, elle doit bien aller quelque part, et c'est là que le bât blesse. On calculera la différence d'énergie potentielle avec l'équation suivante :
DE = -(m*g*DA) où DE est la différence d'énergie potentielle de pesanteur en Joules, m la masse du vaisseau translaté, g l'accélération causée par la gravité et DA la différence d'altitude.
Dans le cas d'une translation, la différence d'énergie potentielle de pesanteur est immédiatement répercutée sur le vaisseau, sous la forme d'une variation d'énergie thermique. Si un vaisseau sautait depuis l'orbite géostationnaire vers l'orbite basse, évacuant ainsi une grande quantité d'énergie potentielle de pesanteur, la compensation s'exprimerait par une augmentation drastique de la température interne du bâtiment, faisant fondre la coque et tuant l'équipage. Le trajet inverse porterait le vaisseau -- et l'équipage -- au zéro absolu, provoquant un effet semblable, bien que moins spectaculaire. C'est à cause de cette compensation que les ordinateurs de bord, par défaut, interdisent les translations à l'intérieur des puits de gravité.
Bien entendu, un vaisseau en espace profond peut être considéré comme étant toujours dans un puits de gravité, ne serait-ce que celui de la Voie Lactée, mais l'influence gravitationnelle qui s'exerce sur lui est alors si faible qu'elle est considérée comme négligeable, et la compensation également.
Je remercie Winchell Chung du site Atomic Rockets pour la formule.
Talasea a été illustrée par ElenaFeArt pour Starmoth.