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Salaires à vie

L'idée même d'un marché du travail est parfaitement étrangère aux habitants de l'espace humain, où le salariat classique, tel que l'entendaient leurs ancêtres de l'ère industrielle, n'est tout simplement pas conceptualisé en tant que tel. Dans le cadre communal et coopératif de l'âge interstellaire, toute communauté économique qui se respecte est fondée sur le découplage du travail et de la subsistance. Ce découplage ne passe pas par un revenu universel (souvent considéré comme la « roue de secours du capitalisme ») mais à travers un système qui tend à rendre tout retour à une économie capitaliste fondamentalement impossible: le salaire à vie inconditionnel. 

La plupart des économies humaines sont entièrement socialisées ; coopératives et communes ne sont ainsi pas les propriétaires des moyens de production au sens strict, mais les structures à travers lesquelles les citoyens possèdent et contrôlent le capital productif. Il n'y a ainsi pas de véritable distinction entre les économies publiques ou privées. Dans une telle économie partagée, il va de soi que les profits, comme les pertes, doivent être mis en commun entre les citoyens. Cette mise en commun emprunte deux chemins complémentaires : les investissements communaux dans l'infrastructure, la santé, les transports ou les services, et le salaire à vie.

Chaque membre d'une commune, sans égard pour sa capacité de travail ou sa volonté, a le droit inaliénable de percevoir un revenu à vie qui n'est conditionné ni par le travail, ni par l'emploi, de par sa simple appartenance à la société civile, et donc à la structure socio-économique qui produit de la richesse. Le salaire à vie, contrairement à certaines formes de revenu universel, est toujours couplé à des mesures de sécurité sociale étendues, qui permettent de lisser les inégalités subsistantes. De fait, le salaire à vie inconditionnel a pour conséquence directe d'abolir marché de l'emploi, capitalisme et le concept même de travail obligatoire. Il représente l'élément central de ce qui n'est pas juste une organisation économique mais un véritable système de civilisation, qui considère toute activité, y compris l'absence d'activité, comme dotée d'une valeur intrinsèque. Entre autres, bien que ce ne soit pas sa fonction première, le salaire à vie permet une juste compensation des parents à domicile, des artistes, des jardiniers amateurs, des animateurs de voisinage et toute cette myriade de citoyens qui, sans travailler directement pour leur commune, contribuent à la constitution d'une société vivable.

Par ailleurs, les salaires à vie ne sont pas complètement lissés. Dans la plupart des communes, ils suivent un système de grades, inspirés des classifications des postes de fonctionnaires et liés aux diplômes, qualifications et types de travail. Le ratio de salaire entre le premier et le dernier grade est généralement compris entre deux et cinq. Les plus hauts grades sont souvent attachés à des métiers à haut risque ou pénibles, pour créer une incitation pécuniaire à leur pratique. La détermination des grades du revenu à vie est l'un des aspects les plus cruciaux et débattus de la gouvernance d'une commune ; celles où les incitations financières ne sont pas suffisantes pour garantir le bon fonctionnement de certains pans les plus cruciaux mais pénibles de l'économie peuvent parfois, et de manière limitée, recourir à un service civil obligatoire. Les communes en abusant ont tendance à se désagréger rapidement.

Nb : on notera que cet article emploie le terme « commune » de manière générique. Quand une commune est intégrée à une superpuissance comme les Unions Populaires ou l'Ecoumène Elorain, l'Etat se substitue à cette dernière pour assurer le financement du salaire à vie. En échange, ces communes paient une taxe d'intérêt international. Dans l'Ecoumène Elorain, la moitié du salaire à vie est financée par l'Etat et l'autre moitié par les qiths. 



Commerce Interstellaire

L'économie de l'âge interstellaire est très différente de ce qu'elle était durant l'ère industrielle. L'abondance des matières premières dans l'espace rend leur commerce à grande distance peu rentable, tandis que la prévalence des imprimantes 3D et des systèmes d'assemblage organique posent un problème semblable au commerce des produits manufacturés. Les seuls marchés compétitifs de l'espace humain sont ainsi dédiés soit aux commodités écosystémiques ou culturelles, qui sont liées soit à un lieu ou un environnement spécifique, soit à des données spécifiques.

1 - Un âge d'abondance radicale

Le Bas-Âge était une époque marquée par la rareté des ressources et une farouche volonté d'éviter la surconsommation et la surexploitation des ressources ayant marqué le monde industriel avant son effondrement. L'avènement de l'âge interstellaire a bousculé ce paradigme de bien des manières. Une fois doté d'une chaîne d'impression 3D et de synthèse organique, une colonie extrasolaire n'a besoin que de quatre ressources principales : des nutriments, des métaux, de l'eau et de l'énergie.

L'eau est incroyablement facile à trouver ; en effet, si l'eau sous sa forme liquide n'est présente que sur quelques rares planètes habitables, la glace d'H2O est l'une des molécules les plus courantes de la Voie Lactée, au point que certains vaisseaux en sont presque entièrement constitués. Que ce soit par exploitation directe des calottes glaciaires ou par minage des astéroïdes, l'exploitation de l'eau est triviale et fonctionne en circuit très court.

L'énergie n'est pas beaucoup plus compliquée à récolter. La plupart des établissements humains emploient un mix énergétique composé à parts variables de fusion/fission nucléaire et d'énergies renouvelables, avec une part congrue réservée aux autres sources. La fusion deutérium-tritium peut se faire à partir de l'eau liquide, tandis que les sources renouvelables reposent sur un positionnement spécifique (un « capital géographique ») plutôt que sur des commodités échangeables sur un marché. La fission est peut-être la source d'énergie la plus susceptible de créer des marchés interplanétaires, dans la mesure où les combustibles fissiles sont concentrés sur les planètes telluriques riches en métaux. 

Les métaux sont à peine plus complexes à exploiter que l'eau. La plupart des métaux lourds et terres rares employées par l'ingénierie moderne sont trouvables dans les astéroïdes et les comètes, qui remplacent avantageusement les mines planétaires, très destructrices pour l'environnement. Les métaux sont toutefois moins également répartis que la glace d'eau ; les systèmes stellaires à faible métallicité (comme les naines rouges) possèdent peu de sites miniers exploitables, mais sont de toute manière rarement colonisés, car leurs planètes sont froides et hostiles.

Les nutriments restent la partie la plus complexe du quatuor des ressources. Les composés complexes comme l'azote, l'ammoniaque ou le potassium, nécessaires à l'agriculture, sont trouvables à la surface de certains planétoïdes ou par extraction des atmosphères planétaires ; bien qu'ils ne soient pas en pénurie, comparés aux besoins humains somme toute modestes, leur exploitation requiert une certaine technicité, mais pas au point de justifier un commerce à longue distance.

Dans la majeure partie des systèmes, les économies sont ainsi abondantes et locales.

2 - L'ère open-source

A l'exception de la Terre, où se trouvent encore de vastes usines datant parfois du Bas-Âge, l'économie manufacturière de l'espace humain repose principalement sur des complexes orbitaux d'impression 3D alimentés par les mines des astéroïdes et opérés par des communes spatiales. La mise en place de ces chaîne de production étant relativement aisée (et largement à la portée d'un unique Migrant), leur véritable valeur réside dans les plans et schémas qui sont mis à la disposition des machines. 

Il s'agit peut-être de la notion la plus fondamentale à l'âge interstellaire : ce qui compte est la donnée, est la donnée économique n'est jamais privée. Bien que certains plans de manufacture puissent être retirés de la circulation pour leur nature sensible, voire secrète, l'immense majorité d'entre eux, des vaisseaux spatiaux aux cuillères, sont publics et en accès, usage et redistribution libres. Cette économie de la donnée est ainsi fondée sur la collaboration entre utilisateurs et l'évolution constante des designs industriels dans le cadre intellectuel des communes qui les emploient. Suivant le modèle des communications interstellaires, ces données voyagent en « vagues » depuis leur point d'innovation, au rythme des déplacements des vaisseaux-messagers.

Illustration par Mitch Malloy pour Eclipse Phase, diffusée par Posthuman Studios sous les termes suivants : Creative Commons Attribution Non-Commercial Share-alike 4.0 License.


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