Les Suzerains de la Séquence

Au coeur de la Mer Sereine, les derniers survivants de la Séquence ont trouvé le temps et l'énergie de construire de minuscules temples circulaires, esseulés au milieu des ruines trop grandes de ce qui fut autrefois un empire galactique, bâti sur plusieurs millions d'années. Ces temples portent les marques des Suzerains : les derniers guides de la Séquence, les derniers remparts contre la pourriture et le chaos. De complexes bas-reliefs racontent leur histoire, mais ne les célèbrent pas ; au contraire, ces temples sont des monuments à la haine des Suzerains, célébrant la mort imminent de l'empire fantomatique.
Les Suzerains furent d'abord interprétés comme représentant une forme ultime de la Séquence de l'Histoire : des intelligences collectives fondées sur le terreau transbiologique des civilisations absorbées. Ils sont, en réalité, à la fois plus et moins que cela. Ils représentent des individus, conçus par les pensées complexes des sociétés assimilées par la Séquence mais transcendant ces dernières et occupant des corps constitués du matériau organique et technologique volé aux milliards de créatures conscientes des mondes perdus de l'empire. De cette manière, les Suzerains sont à la fois le pinacle de la Séquence et son plus grand échec. Le pinacle, car ils sont souverains, dans le sens le plus strict du terme, des créatures pensantes assemblées à partir des restes d'écosystèmes plus faibles ; et l'échec car, au lieu d'incarner le rêve Séquenceur d'une assimilation forcée mais harmonieuse, les Suzerains ont bénéficié de la puissance de l'empire tout en s'en émancipant, manipulant des systèmes solaires entiers pour les forger à leur image. Ils sont une hiérarchie oppressive à l'échelle stellaire. Ils sont l'empire personnifié, non pas juste la Séquence, mais la notion même de contrôle, sur la matière, sur l'esprit, sur l'entropie.
Les temples identifient cinq Suzerains. Leurs noms et leurs symboles sont flottants, mais leur identités cohérentes.
- Le Stratège est l'un des rares Suzerains rencontrés par l'humanité, et semble, inexplicablement, avoir émergé avant que la Séquence ne soit détruite, mais bien longtemps après son âge d'or. Il est décrit comme « un nuage de sang séché, de perles brillantes et de regrets des batailles passées. » Plutôt petit, car capable d'intégrer un vaisseau de guerre Séquenceur, le Stratège a été assemblé à partir des restes organiques de civilisations détruites au combat, peut-être sélectionnées sur la base de leurs prouesses guerrières. Il a mené les croisades de la Séquence contre les Vriijs, les créateurs du Chemin Pâle et, peut-être, les Voyageurs Oubliés. Leur première défaite lui a été infligée par Algorab autour de Draugr, mais il n'était déjà plus que l'ombre de lui-même.
- La Sentinelle Avide, parfois désignée sous le nom d'Observateur Imprudent, est un très vieux Suzerain, peut-être le tout premier, assemblé à partir de la matière de sept civilisations absorbées il y a de cela un million d'années. Son apparence est incertaine, bien que les bas-reliefs évoquent parfois un « parfum divin, comme du miel tombant des étoiles » qui le suivrait partout où il se déplace. Il est supposé encore vivant, en hibernation quelque part dans le halo galactique. Il y a plusieurs centaines de milliers d'années, la Sentinelle Avide aurait tenté de lire dans l'avenir à travers un trou de ver, le seul jamais construit par la Séquence. Le résultat de sa divination est inconnu, mais l'a mené à détruire le trou de ver, dont les débris couvrent aujourd'hui une centaine d'années-lumière dans le Bras de Persée, et entrer dans un état de stupeur millénaire. Une théorie veut que la Sentinelle Avide n'ait rien vu d'autre que nous, l'humanité, jeune, fragile, et pourtant capable de voyager entre les étoiles en quelques instants, quand la Séquence prenait des décennies.
- Le Tisserand Élusif est sans doute ce que nous connaîtrons jamais de plus proche d'un Séquenceur de l'âge d'or. Décrit comme une « peinture baroque en mouvement, un nuage d'or conscient », il a été identifié dans le Bras de Persée, bien que les explorateurs de la Phalène refusent de communiquer sa localisation précise. Le Tisserand Élusif a été assemblé à partir de millions de Séquenceurs immolés dans des rituels de sacrifice volontaire. Il résidait dans un palais-planétoïde, d'où il régnait sur une section majeure de la Séquence. Le planétoïde est intact, parfaitement entretenu par des armées de créatures non-conscientes, mais le trône du Tisserand, le trône d'un dieu, est vide.
- Le Vieux Traqueur était un Suzerain très puissant, décrit comme un « continent de connaissance, l'odeur du sang sur la poussière chaude, des collines d'os et de parchemins », et sans doute l'un des membres de la cabale d'archivistes qui a détruit la Séquence. Nos connaissances à son sujet sont parcellaires, tout au plus savons-nous qu'il est mort, de la manière la plus radicale et définitive qui soit pour un Séquenceur. Son cadavre se présente sous la forme d'un planétoïde osseux, parfaitement sphérique, percé à l'équateur d'un orifice large de trois mille kilomètres, au travers duquel une entité inconnue s'est infiltrée pour assassiner le Suzerain. L'analyse du cratère suggère que de nombreuses civilisations autochtones ont vécu et sont mortes à l'intérieur du planétoïde au cours des derniers cent mille ans, nourries par la chaleur résiduelle du Vieux Traqueur.
- La Lame Silencieuse était un exécuteur de la Séquence, se présentant sous la forme d'un ver long de mille kilomètres. Assemblé à partir de l'ADN d'une multitude d'espèces prédatrices, il pouvait se dessécher pour survivre à des voyages de plusieurs siècles dans le vide jusqu'à atteindre sa cible. Arrivé dans le système stellaire de cette dernière, il revenait à la vie et se mettait à se diviser en de multiples sections pour mener une guerre interplanétaire personnelle ; si la cible était assez petite, il se contentait de l'avaler et de la digérer. Sous sa forme desséchée, la Lame Silencieuse était invulnérable à tous les armements de la Séquence...mais pas à ceux des Voyageurs Oubliés, qui, alors que l'exécuteur passait à proximité du centre galactique, se contentèrent de lui expédier une aiguille de tungstène accélérée à 98% de la vitesse de la lumière, qui le vaporisa en une milliseconde.
Les temples mentionnent également deux autres figures connues sous le nom générique « d'Extérieurs », des créatures a priori aussi puissantes que les Suzerains, mais conçus hors-Séquence.
- Le Papillon n'est jamais décrit directement, mais une analyse textuelle montre que cette créature est sans doute une forme de vie paracausale, non liée par les lois usuelles de la physique, perçue comme généreuse et compréhensive. Le Papillon observe, disent les bas-reliefs. Le Papillon comprend.
- L'Intrus est un véritable casse-tête. Sa description est semblable à celle d'un Séquenceur, mais au lieu d'adopter une structure noire et or, l'Intrus était blanc et argenté. Le vocabulaire employé à son sujet est très diplomatique, comme s'il s'agissait d'une forme d'ambassadeur, appartenant peut-être à une branche extra-galactique de la Séquence.
Illustration : NASA/Caltech, Galaxy of Horrors poster series, domaine public.
La Séquence de l'Histoire

Edité par Jyothi.
C'est un fait accepté que les Séquenceurs ne possèdent pas d'origine génétique commune à l'intégralité de leur civilisation. Bien que tous les membres de la Séquence dont nous avons connaissance partagent une apparence familière, que certains explorateurs ont pu décrire de manière fleurie comme étant un « nuage d'ornements baroques », cette forme est entièrement artificielle. L'ADN des Séquenceurs porte les marqueurs et structures de nombreuses espèces différentes, dont la somme biologique forme l'entité que nous comprenons comme étant la Séquence. Considérant son âge (estimé entre dix et vingt millions d'années), il est entièrement possible que la ou les espèces à l'origine de cette civilisation soient aujourd'hui éteintes, soit par simple cheminement biologique, soit par assimilation complète dans une totalité biologique et sociale.
Ce modèle de développement n'est pas unique à la Séquence : la plupart des civilisations interstellaires connues ont adopté ce système de « méta-société ». Toutefois, la méthode par laquelle la Séquence s'est constituée n'a aucun analogue dans la Voie Lactée.
1 - Histoire Séquentielle
Au coeur même de la Séquence se trouve un concept très simple : l'idée que les civilisations ne sont pas définies par leur matérialité à un instant précis, cette dernière n'étant qu'une somme de personnes, bâtiments et techniques, pas une idée. Ce qui constitue l'ossature d'une civilisation est son histoire collective. Ainsi, pour conquérir une civilisation, il suffit de conquérir son histoire.
Ainsi, quand la Séquence souhaitait s'en prendre à une civilisation extérieure, elle commençait par étudier son histoire en détail, atteignant ainsi souvent un degré de compréhension de cette dernière bien plus important que celui des autochtones eux-mêmes. Une fois cette étude accomplie, la Séquence se mettait à manipuler l'histoire ainsi cataloguée. Le premier niveau d'interférence prenait plusieurs décennies et consistait en une vaste entreprise de sape des connaissances historiques de la cible, dont le but ultime était de « déconnecter » une civilisation de son propre passé en ensevelissant ce dernier sous des montagnes de fausses représentations, théories du complot et autres fausses vérités. Cette sape permettait ensuite à la Séquence de contrôler l'infrastructure intellectuelle et médiatique de la cible, ce qui menait à la deuxième phase. Pendant les quelques siècles suivant la prise de contrôle, la Séquence réécrivait l'histoire de la cible de manière à s'insérer dans cette dernière : le but ultime de la manoeuvre étant de faire croire à la civilisation prédatée qu'elle avait toujours fait partie de la Séquence. A la fin du processus, la cible en venait à rejoindre la Séquence d'elle-même, sans aucune violence, ni même sans remarquer la transition, ses membres étant intimement persuadés qu'ils ne faisaient que s'unir à l'empire dont ils avaient toujours fait partie.
L'efficacité de cette méthode, surnommée la Séquence de l'Histoire, était sans pareille. On estime que de cent à deux cent mille civilisations furent ainsi absorbées par la Séquence, y compris de vastes empires interstellaires parfois même plus puissants que cette dernière.
Quid des civilisations n'entretenant pas de concept de l'histoire ? Il semble que la Séquence ne les considérait même pas comme des sociétés en tant que telles, mais plutôt comme des bêtes sauvages à éliminer sans pitié. Trois civilisations semblent être parvenues à résister à la Séquence de l'Histoire : les Voyageurs Oubliés, qui en voyageant plus vite que les Séquenceurs sont parvenus à déjouer leurs tentatives d'interférences ; les Vriijs, avec leur appétence pour le contrôle mental des espèces vues comme inférieures, étaient imperméables à la deuxième étape du processus de subversion, au prix sans doute de l'intégrité de leur culture. Enfin, une mystérieuse civilisation, connue seulement sous le nom de Cycliques, apparemment dotée d'une perception non-linéaire du temps, s'est révélée absolument impossible à infiltrer, ses membres allant jusqu'à réécrire leur propre histoire pour contrer l'interférence de la Séquence.
2 - La guerre de l'histoire
Au fil du temps, il semblerait qu'un certain nombre d'individus ou de factions (les deux notions étant assez interchangeables dans la Séquence) aient commencé à se dresser contre ce qu'iels considéraient comme une perte inconcevable de connaissances et de données culturelles dans le processus de subversion-assimilation. Ainsi se forma une cabale d'historiens et d'archivistes parmi les avant-gardes de l'empire, qui s'attribua la mission de cataloguer et préserver les histoires individuelles des sociétés conquises avant leur absorption. Ils attribuèrent à chacune de leurs conquêtes une archive secrète, tenue soigneusement à l'écart du reste de la Séquence. La plupart de ces archives n'était rien de plus que de discrets bâtiments dans les mégalopoles séquencières, mais les civilisations interstellaires avaient droit à de vastes complexes planétaires remplis de coffres-forts, tombes et bibliothèques-cathédrales. Ces mondes isolés et figés dans le temps étaient nommés Fragments par la cabale, qui les considérait comme l'un des secrets les mieux gardés de la Voie Lactée.
Il y a de cela environs deux cent mille ans, la cabale fut découverte et les Fragments déclarés anathème, et donc désormais éligibles comme cibles d'une guerre d'extermination interstellaire. Étant déjà membres de la Séquence, les individus associés à la cabale ne furent pas détruits sur le champ, et leurs maîtres leur offrirent, ainsi qu'aux populations des Fragments, l'honneur d'une immolation collective, suivie de la destruction volontaire des archives et de leurs planètes. Mais les membres de la cabale n'étaient pas seulement des collectionneurs de civilisations, ils étaient également l'avant-garde de la Séquence, conquérants de centaines de mondes et maîtres de milliards de soldats. De bien des manières, ils étaient plus attachés au souvenir des civilisations qu'ils avaient subjuguées qu'à la Séquence, à laquelle ils déclarèrent la guerre en retour. Leur mission avait changé ; désormais, la cabale visait non seulement à préserver les anciennes civilisations, mais aussi à les faire revenir à la vie et, pour atteindre cette aspiration de démiurge, la Séquence devait mourir.
La première guerre civile de la Séquence dura près de dix mille ans ; elle fut aussi la dernière.
Plusieurs trillions de vies conscientes furent perdues et des centaines de milliers de planètes détruites, mais là n'était pas le véritable dommage, car la Séquence avait déjà connu des guerres aussi dévastatrices, contre les Vriijs notamment. Le coup mortel fut porté dans un domaine bien moins matériel.
Acculée et épuisée après cent siècles de combat, la cabale prit la décision d'employer ses armes mémorielles contre la Séquence. Mobilisant les connaissances et les cultures de toutes les civilisations absorbées dans le passé, la cabale s'attaqua à l'histoire de ses anciens semblables par le biais d'un de leurs plus terrible outils de sape historique : les Négatifs, des intelligences transbiologiques avancées qui, une fois lâchée dans les réseaux de la Séquence, ravagèrent ses bases de données et les cerveaux de ses habitants, modifiant les registres temporels, effaçant les preuves archéologiques, réduisant à néant toute trace de culture complexe, réécrivant les évènements récents jusqu'à détruire purement et simplement l'histoire collective de l'empire. La cabale fut finalement détruite dans un ultime et dantesque assaut à l'échelle galactique, mais le mal était déjà fait et les Négatifs impossibles à contrôler une fois privés de leurs ingénieurs. Après cinquante mille ans de ce traitement, la Séquence avait cessé d'exister en tant que civilisation cohérente.
La première partie de la Séquence de l'Histoire avait été appliquée à ses propres créateurs. Il n'y eut jamais de seconde étape. La cabale, exterminée, ne remplit jamais le vide qu'elle avait créé. La guerre s'arrêta, faute de belligérants, faute de but, faute de civilisation à défendre, et la Séquence entra dans une ère de limbes, l'apocalypse d'un éternel présent dont elle ne sortit jamais.
La cabale avait tué la Séquence avec ses propres armes.
Illustration : Wootha Public Domain Release.
Les civilisations de la Travée

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Quand la Travée fut découverte, la densité inhabituelle de mondes habitables dans la région put susciter l'espoir que nous avions enfin trouvé un endroit pouvant abriter des civilisations non-humaines en grand nombre ; toutefois, si la Travée est devenue un point focal de la colonisation humaine moderne, aucune de ses planètes n'abrite de civilisation extraterrestre active. Toutefois, les expéditions archéologiques dans la région ont permis de déterminer qu'il y a quelques millénaires à peine, la Travée regorgeait de vie avancée.
Affichage par planète.
Bien qu'il s'agisse d'un monde super-habitable, Elora est étrangement dénuée de signes évidents de colonisation pré-humaine. Si des civilisations non-humaines ont un jour considéré la « sœur aînée de la Terre » comme leur planète-mère, elles n'ont laissé aucune trace, bien que certains puissent affirmer, non sans raison, que son complexe écosystème symbiotique est une forme de vie consciente en lui-même. Les forêts d'Elora renferment également les vestiges plus ou moins reconnaissables de vaisseaux d'exploration et autres sondes s'étant écrasées à la surface en des temps immémoriaux, dont un engin appartenant à une branche éloignée de la Séquence.
Le système voisin d'Ishtar a été colonisé par au moins cinq civilisations différentes au cours du million d'années précédant l'installation humaine. Ces sociétés ont laissé des ruines variées dans leur sillage, allant de stations spatiales quasiment intactes à des essaims de voiles solaires lancés sur une orbite excentrique. La plupart de ces civilisations semblent venir de la planète éponyme, bien que les cycles tectoniques et la vie locale aient effacé toute trace de leur existence à la surface, ne laissant que l'espace en mémorial.
Masan, la planète-mère de la coopérative des Masani, a été identifiée comme le monde d'origine d'une civilisation sylvestre dénommée « Assemblée verdoyante », dont la technologie reposait sur l'utilisation de synapses continentaux permettant de relier des milliards de pseudo-arbres dans un esprit de ruche, capable de pensées complexes. A son apogée technique, l'Assemblée Verdoyante possédait une capacité limitée mais tout à fait réelle de voyage interplanétaire, en expédiant des graines explosives sur des trajectoires transorbitales. Nous ne sommes pas entièrement certains que l'Assemblée Verdoyante a proprement disparut, considérant que l'espèce toute entière opérait sur des échelles de temps qui n'ont rien à voir avec les nôtres. Il est tout à fait possible que l'Assemblée Verdoyante soit actuellement en train de vivre un état post-apocalyptique, avec une désagrégation du réseau ayant entraîné le retour à l'état sauvage de ses membres, les rendant impossibles à différencier de la végétation normale de Masan. Une théorie plus audacieuse veut que l’Assemblée Verdoyante soit parfaitement intacte, mais que nous soyons incapable d'identifier le fonctionnement en temps réel d'une civilisation dont les pensées mettent des siècles à émerger.
Plus loin dans la Travée, le système de Parys est connu pour ses ruines diverses et variées. Sa deuxième géante gazeuse abrite une vaste nécropole composée de sarcophages longs de plusieurs kilomètres, suspendus dans la haute atmosphère et contenant des ossements attribuables à une espèce de pseudo-baleines. La troisième géante gazeuse contient une mégastructure apparemment censée servir à la transformer en étoile par fusion de son hydrogène, mais qui est tombée en ruines avant de parvenir à ses fins. Une lune de cette géante a été recouverte de bas-reliefs tectoniques, tandis que ses pôles abritent d'étranges temples cubiques, que l'on retrouve à l'équateur des trois planètes telluriques du système intérieur. Parys ne comptant aucune planète habitable, ni aucune trace d'habitabilité ancienne, la théorie dominante veut qu'il s'agisse d'une vaste installation artistique.
Illustration : Wootha Public Domain release.
Les Vagabondes

Rapport d'Algorab F-X5-CM.
Très bien, je sais ce que vous allez dire : le folklore humain est incroyablement inventif, que l'on parle des mythes qui forment les piliers des religions modernes jusqu'aux légendes urbaines des bas-fonds de nos planètes, mais dans ce cas-là, c'est différent, parce que nous avons des données solides. Des photographies, des interviews, des imagerie IRM. Elles ne peuvent pas toutes se tromper. Les Vagabondes existent.
Ce sont des créatures faites de matière baryonique ; aux yeux humains, elles apparaissent comme des présences humanoïdes, plutôt féminines, aux cheveux blancs et aux habits quelconques. Bien que ces formes physiques soient capable d'interagir avec la matière physique, les murs, comme les obstacles en général, ne sont aucunement des obstacles pour elles. Par ailleurs, cette apparence ne semble être pratiquée qu'en présence des humains ; des équipes de chercheurs sur Okéan ont noté que, face aux Vriijs, les Vagabondes adoptent une forme aquatique.
Les Vagabondes apparaissent amicales et disposées à interagir avec les êtres humains, bien qu'elles ne parlent presque jamais. Elles ne semblent pas être dérangées par la présence des scientifiques et autres observateurs à proximité, toutefois les tentatives d'isoler une Vagabonde pour l'étudier se terminent toujours de la même manière : l'individu disparaît dans un claquement de doigts. La portée de ces translations improvisées va de quelques mètres à plusieurs années-lumière.
La meilleure théorie dont nous disposons est que les Vagabondes représentent la manifestation physique d'une forme de vie interdimensionnelle, dont la biologie repose sur la même physique exotique que celle permettant au translateur de se déplacer dans l'espace et le temps. Elles pourraient venir de n'importe où dans l'univers, ou même au-delà. Sont-elles des organismes indépendants ? De l'information flottant librement ? Des entités paracausales ? Toutes les hypothèses se valent à ce stade. Les Vagabondes existent présentement au-delà de notre compréhension scientifique, tout comme le translateur.
Un aspect particulièrement troublant de l'apparence des Vagabondes est que cette dernière est assez bien corrélée à celle de Rani Spengler, la découvreuse du translateur.
Les Voyageurs Oubliés

Nous désignons comme « Voyageurs Oubliés » une civilisation présumée défunte qui occupait le centre de la Voie Lactée il y a environ cent mille ans. Il s'agissait d'une forme de vie artificielle, capable d'occuper des planètes à l'écosystème fondé indifféremment sur le carbone ou sur le silicium. La technologie des Voyageurs Oubliés est impossible à différencier de leurs corps, les deux reposant sur une structure osseuse parcourue de synapses. Le style des artefacts des Voyageurs Oubliés est reconnaissable entre mille du fait de sa nature très « pure », fondée sur des formes géométriques. Leur mode de communication et de déplacement est inconnu.
L'étendue exacte de la civilisation des Voyageurs Oubliés reste inconnue, mais recouvrait une partie non-négligeable du centre galactique ; étant donné la très forte densité d'étoiles dans cette région, il est tout à fait possible que les Voyageurs Oubliés aient représenté la plus vaste civilisation galactique connue, avec plusieurs centaines de millions de mondes sous leur égide, soit dix à quinze fois plus que la Séquence à son apogée. Leur monde d'origine est supposé se trouver à proximité de Sagittarius A*, le trou noir au centre exact de la Voie Lactée. Cet emplacement est plutôt surprenant pour une civilisation avancée, car le milieu de la galaxie est une zone traditionnellement considérée comme hostile à la vie. Bien que la haute densité stellaire promette un grand nombre de mondes habitables, la prévalence des sursauts gamma dans la région signifie qu'il est rare d'y voir une biosphère subsister pour plus d'un milliard d'années. Peut-être les Voyageurs Oubliés ont-ils été très chanceux, accédant à l'espace avant qu'une autre étoile les emporte.
Quoi qu'il en soit, il semble que les Voyageurs Oubliés aient été très conscients de la précarité de leur situation, et ont donc développé leur civilisation interstellaire aussi vite que possible. Cette dernière reposait principalement sur l'emploi de moteurs à propulsion aussi rapide que la lumière, qui fonctionnaient en courbant l'espace-temps autour des vaisseaux, de manière continue et non ponctuelle à l'inverse du translateur. Ces propulseurs reposaient sur la capacité des Voyageurs Oubliés à stocker d'immenses quantités d'énergie, et représentaient une application directe du principe du moteur d'Alcubierre.
Les fouilles ont montré que l'empire interstellaire des Voyageurs Oubliés est passé par plusieurs phases distinctes. La première était caractérisée par l'extrême rareté des moteurs interstellaires, sous le coup de mesures sociales et légales strictes. Durant cette période, les Voyageurs Oubliés étendirent leur empire sur plusieurs milliards de planètes (estimation basse). La deuxième période fut beaucoup plus courte, à peine quelques milliers d'années, et se trouve corrélée à la disparition de 0,1 à 0,5 % des systèmes du centre galactique. Les historiens supposent qu'à un moment indéterminé dans leur histoire, les Voyageurs Oubliés ont subitement permis à tout un chacun d'accéder à la propulsion interstellaire et ainsi ont compromis les fondements mêmes de leur civilisation, au point où des armes capables de détruire des planètes entières en un seul instant étaient devenues aussi communes que des pistolets. Après quelques millénaires dans cet état chaotique, leur civilisation périclita et s'effondra.
Note n°1 : 0,1 à 0,5 % des systèmes du centre galactique signifient plusieurs dizaines de millions d'étoiles. L'étendue de la destruction causée par les Voyageurs Oubliés, même si elle n'avait pas la nature coordonnée de celle entraînée par les guerres de la Séquence, est proprement inconcevable pour un esprit humain.
Note n°2 : la Séquence et les Voyageurs Oubliés ont existé à peu près au même moment. Bien qu'ils ne se soient jamais rencontrés directement, du moins d'après les documents dont nous disposons, il est impossible que la Séquence n'ait pas remarqué la disparition des étoiles du centre galactique. Si les Séquenceurs ont relié cette destruction apocalyptique à l'usage de moteurs quasi-supraluminique, cela pourrait expliquer la haine farouche qu'ils entretiennent à l'égard des machines capables de manipuler l'espace-temps. Peut-être pensent-ils que nous sommes les descendants des Voyageurs Oubliés ?
Note n°3 : la taille proprement faramineuse de l'empire des Voyageurs Oubliés signifie qu'il existe toujours un espoir de retrouver des poches isolées de leur civilisation, mais pour l'instant, seules des ruines ont été retrouvées.
Illustration : Wootha Public Domain Release.